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    Lundi 01 décembre 2008, 10h04

     

     


    Dans les hauteurs de l'est de la République démocratique du Congo (RDC), cinq gorilles des montagnes allaitent tranquillement leur progéniture, dont la naissance par temps de guerre est vécue comme "exceptionnelle" pour cette espèce très menacée.

     

    Un énorme mâle à dos argenté arrache vigoureusement les feuilles de la clairière, située sur les flancs du mont Mikeno à 4.500 mètres d'altitude, tandis qu'un jeune gorille épouille la fourrure hirsute de son petit frère.

     

    Cette paisible scène de famille n'a rien d'évident dans cette partie du parc national des Virunga dont la rébellion de Laurent Nkunda a pris le contrôle en septembre 2007.

     

    Les rangers, chassés de la zone, avaient alors perdu tout contact avec les quelque 200 gorilles de la réserve -- 30% de la population mondiale -- et craignaient que les combats ne les aient décimés.

     

    Mais, en novembre, le directeur du parc Emmanuel de Merode, après avoir négocié directement avec la rébellion, a obtenu le droit pour ses gardes de rentrer à Virunga.

     

    L'équipe s'est alors lancée dans un recensement des gorilles et a découvert, stupéfaite, les cinq bébés, tous nés pendant les 14 mois sous contrôle rebelle. Un chiffre "plutôt exceptionnel" pour une zone de guerre, selon M. de Merode.

     

    Des salariés du parc national Virunga observent un gorille, le 28 novembre 2008 (Photo Roberto Schmidt/AFP)

    "La population du parc a connu une croissance de 11% sur les dix dernières années, soit moins de 2% par an. Avoir cinq naissances dans un groupe de 30 gorilles correspond à une croissance de 15%. C'est assez impressionnant et très peu courant", souligne-t-il.

     

    Mais la découverte "ne confirme rien au sujet de la population globale", nuance le conservateur, précisant que seules deux des sept familles du parc ont jusqu'ici été localisées. "Nous restons inquiets et nous ne serons fixés que lorsque notre étude sera terminée dans trois semaines."

     

    En attendant, les rangers tentent d'en savoir le plus possible sur le groupe aux cinq naissances, dont le chef, Kabirisi, un mâle dominant de 200 kg, siège la plupart du temps avec majesté dans une position de bouddha.

     

    Soudain, le grand mâle se lance en courant et en criant vers les rangers pour les intimider. "Kabirisi tend à être un peu distant, mais il vous fait savoir quand il n'est pas content", souffle un employé du parc, Pierre Peron.

     

    Les gardes attendent qu'il soit calmé pour avancer vers le reste du groupe en émettant des sons rauques comparables à ceux des gorilles. Ils veulent identifier les animaux grâce aux rides et aux marques distinctives qu'ils portent sur le nez.

     

    Malgré leur apparence imperturbable, les gorilles ne peuvent pas avoir été indifférents aux combats, relève M. de Merode. "Ils étaient en plein milieu de la guerre. Bukima (le poste de rangers le plus proche) était sur la ligne de front et les combats avançaient et reculaient sans cesse."

     

    Au moins 10 gorilles ont d'ailleurs été abattus depuis 2007 dans le parc, selon M. de Merode. Kabirisi a lui-même pris le contrôle du groupe quand son prédécesseur a été tué dans un échange de coups de feu en 1998.

     

    Malgré un cessez-le-feu proclamé unilatéralement par la rébellion fin octobre, une rafale de mitrailleuse a encore retenti jeudi non loin du quartier général des rangers. En réponse, les armes ont claqué dans la vallée. Un affrontement de plus entre rebelles de l'ex-général Nkunda et miliciens hutu rwandais, selon un des gardes.

     

    Innocent Mburanumwe, un ranger fils de ranger, le seul capable de reconnaître tous les gorilles du parc selon son directeur, est content d'être de retour pour leur offrir un tant soit peu de protection.

     

    "Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu mes gorilles. Ils m'ont manqué", confie-t-il avant de se glisser hors de la clairière. Laissant les grands singes à leur paix fragile.

     

     


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